20

 

John regardait Charlotte Douglas marcher de long en large en parlant au téléphone. Elle portait une robe-fourreau crème très ajustée, taillée dans un tissu soyeux qui bruissait doucement à chacun de ses pas. Il regarda sa montre : presque 20 heures. H était temps pour lui de quitter cette chambre d'hôtel et de revenir à sa vraie vie. Taylor et les autres l'attendaient au bar pour commencer la soirée.

Charlotte avait insisté pour qu'ils se retrouvent ici, dans sa suite, plutôt qu'au Bureau d'investigation du Tennessee. Il savait exactement où elle voulait en venir et n'était pas prêt à tomber dans le panneau. Lui désirait simplement qu'elle disparaisse ; le plus tôt serait le mieux. Il avait toute sa vie devant lui, et Charlotte Douglas n'avait de place dans aucun scénario.

Charlotte tournait en rond devant la baie vitrée, manifestement contrariée.

— Il faut que vous me souteniez sur ce coup. Pour l'instant, je ne peux rien faire d'autre. Exactement. Oui. Oui. Je reviens ce soir. On se parle tout à l'heure.

Charlotte raccrocha et s'immobilisa au centre de la pièce. Elle regarda John, et sourit en se déhanchant vers l’avant, les jambes tendues pour faire ressortir le galbe de ses mollets. Ses mains étaient croisées dans son dos. Il connaissait cette posture. Elle l'avait trop souvent utilisée par le passé pour qu'il s'y laisse prendre. En réalité, cela lui donnait l'air plus rapace que sexy.

— John..., commença-t-elle d'une voix éraillée. Celle-là aussi, elle la lui avait faite cent fois.

— Charlotte, coupa-t-il, qu'est-ce que tu fiches encore ici ? Tu as présenté ton exposé. On n'a rien au bureau local que tu n'aies pas à Quantico. Je n'ai pas l'impression que tu sois sur le point d'élucider l'affaire.

Il fit un signe en direction du téléphone qu'elle serrait dans sa main.

— A l'évidence, Quantico réclame ton retour. Alors qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle sourit.

— Je ne parlais pas à qui tu crois, John, et je monterai dans un avion quand bon me semblera. J'ai des choses à régler avec le bureau local, si ça ne t'ennuie pas.

— Avec le bureau, vraiment, Charlotte? Ou avec moi?

— Oh, docteur Baldwin ! Toujours aussi perspicace, n'est-ce pas ? Et un peu vaniteux, aussi. Qu'est-ce qui te fait croire que tu es concerné ?

— Je connais ton mode opératoire, Charlotte. Ce n'est pas la première fois que tu me fais le coup. Je sais ce que tu mijotes, et ça ne va pas marcher. Il faut que m partes, tout de suite. Je ne veux plus avoir affaire à toi.

Elle se tourna vers la baie vitrée. Les lumières scintillantes de la ville se reflétèrent sur son visage.

— Il fut un temps, John, où tu voulais à tout prix avoir affaire à moi. Tu en as parlé à ta bien-aimée?

Taylor est au courant de ce qui s'est passé entre nous. Et elle s'en fiche complètement. Tu ne lui fais pas peur, Charlotte. Pas le moins du monde.

— Ah, vraiment?

Elle pivota lentement sur elle-même, puis avança vers lui. Il la regarda approcher en secouant la tête. Une tigresse dans un corps de chat domestique. Elle pouvait aussi bien ronronner sur vos genoux que vous arrachez la gorge d'un coup de griffes.

— Laisse tomber, Charlotte. Tu ne signifies rien pour moi. Ce que j'aimerais savoir, c'est ce que je peux faire pour me débarrasser de toi. De préférence pour toujours.

Elle éclata de rire.

— Pauvre persécuté... Tu ne supportes pas qu'on te taquine, hein ? Je croyais au moins que tu resterais courtois, en souvenir du bon vieux temps...

Elle était à moins de cinquante centimètres de lui, le regard braqué sur lui, prête à bondir. Il refusa de reculer devant elle.

— Ecoute, Charlotte, il faut que je parte. Qu'avais-tu de si important à me dire ?

Un parfum de gardénias flotta jusqu'à ses narines, déclenchant chez lui une réaction physique brève et involontaire. Il y avait eu un temps où tout allait bien, entre eux, et c'étaient ces moments-là que le parfum fleuri lui rappelait. Elle était tout près de lui, à présent, elle le frôlait de ses hanches ; son visage était renversé en arrière, ses lèvres pulpeuses et tentantes. Il commença de se pencher vers elle, puis recula d'un pas.

— Arrête ça. Tout de suite.

— Oh, ne boude pas, monsieur le profileur. Tu es si grand, si dur...

Elle fit un geste en direction de son entrejambe, mais il attrapa sa main et lui tordit le bras avec une telle violence qu'elle dut se détourner pour éviter d'avoir l'épaule déboîtée.

Il la repoussa de toutes ses forces ; elle alla s'écraser dans un fauteuil.

— Fumier ! cracha-t-elle.

Voilà qui lui ressemblait davantage. Sous ses dehors mielleux, Charlotte était le mal incarné.

— Si tu t'avises de t'approcher de nouveau de moi ou de Taylor, tu le regretteras, Charlotte. Souviens-t ‘en.

Le ton de sa propre voix le surprit. Charlotte tressaillit comme s'il venait de la frapper. Ils savaient tous deux que ce n'étaient pas des paroles en l'air.

Il lança un dernier regard à Charlotte, qui écarquillait des yeux incrédules, puis il quitta la pièce en claquant la porte.

Il fallut un instant à la jeune femme pour se reprendre. Quelques minutes plus tard, une ombre sortait de la salle de bain.

— Ne t'en fais pas, mon cœur. Je vais le tuer pour t'avoir parlé sur ce ton. Mais je dois t'avouer que je suis un peu déçu. J'aurais bien aimé vous regarder baiser. C'est quelqu'un de... d'assez puissant. Difficile de le descendre sans se salir les mains.

Il étira ses mains en ouvrant ses paumes au maximum, puis resserra lentement ses doigts l'un après l'autre.

— Ferme-la, crétin.

Charlotte pivota sur elle-même, se dirigea vers la fenêtre et contempla longuement la nuit au-dehors.

 

 

Tu tueras pour moi
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